Interview réalisé par Richard Peuch le 20/11/2014
Fort-Boyard.fr : Bonjour Franck. Les plus jeunes de nos internautes ne vous connaissant pas, pouvez-vous vous présenter ?
Franck Merceron : Je m'appelle Franck Merceron, j'ai 49 ans. Je suis né à Rochefort sur Mer en Charente Maritime et je vis à Royan. J'ai toujours pratiqué le sport depuis mon adolescence. J'ai fait de la course à pied, un peu de natation mais j'ai surtout passé beaucoup de temps à remuer de la fonte. La musculation m'a conduit à participer à quelques compétitions de culturisme à un niveau très modeste puisque je me suis arrêté aux concours inter-régionaux. C'est à l'apogée de ma forme physique que j'ai eu le privilège de participer à l'émission Fort Boyard en 1990. Ce programme télévisé très novateur s'intitulait alors Les clés de Fort Boyard. J'avais 24 ans et je suis devenu à ce moment là le premier homme fort de Fort Boyard.
F-B.fr : Comment avez-vous appris que la production recherchait un homme fort ?
F.M. : C'est par le journal Sud-Ouest que j'ai appris que la production, Tilt Productions pour être précis, recherchait un homme fort pour un jeu télévisé. Le concept semblait étrange et attrayant, il suscitait de la curiosité. Je ne me sentais cependant pas concerné car ma connaissance de l'univers de la culture physique me faisait relativiser la notion d'homme fort. Mon échelle de valeur était influencée par le fait de baigner dans ce milieu, si bien que je ne pensais pas avoir la moindre chance d'être sélectionné. Il me semblait que ma constitution n'était pas assez impressionnante pour figurer dans cette émission. Ce sont mes amis qui m'ont convaincu de proposer ma candidature. Il est vrai que je n'avais rien à perdre à postuler et puis j'arborais à l'époque un physique assez athlétique.
F-B.fr : Vous avez participé à la toute première saison du jeu, et donc personne ne le connaissait. Comment le programme vous a-t-il été présenté, et qu’est-ce qui vous avait séduit dedans ?
F.M. : C'est Didier Luca, producteur et inventeur des épreuves, qui m'a présenté le programme et j'avais lu quelques articles sur le concept. Endroit mythique connu de tous les charentais, fort Boyard était depuis toujours un lieu de légende qui alimentait les récits les plus rocambolesques mêlant Histoire et fables. L'idée d'accoster ce vaisseau de pierre figé dans l'océan était pour moi une perspective extrêmement réjouissante et stimulante.
Quant au jeu lui-même, j'ai tout de suite pensé qu'il s'inspirait de près ou de loin du concept du jeu de rôle "Donjon et Dragons" dont j'étais un très fervent adepte durant mon adolescence. Schématiquement, je percevais un grand nombre d'analogies. Ce jeu basé sur l'imaginaire consiste à aller chercher un trésor gardé par un dragon dans le donjon d'un château. Pour ce faire, une compagnie d'aventuriers composée de différents talents complémentaires allie ses habiletés diverses pour atteindre son but non sans avoir eu à affronter de nombreuses épreuves. Remplacez le donjon par le fort Boyard, le dragon par deux tigres et les aventuriers par une équipe constituée d'un intellectuel pour les énigmes, d'un athlète pour les épreuves physiques et de quelques autres individus, vous avez Les Clés de Fort Boyard, une émission à la longévité exceptionnelle.
F-B.fr : Nous pensons aisément qu’un passage par la case “casting” était au programme. Comment s'est-il déroulé ?
F.M. : Oui bien sûr, il y a eu un casting. Cela a commencé par des courriers et des photos. La première sélection s'est faite à ce niveau. Les différents candidats pour incarner le rôle de l'homme fort ont ensuite été convoqués dans une maison louée par la production à Rochefort sur Mer. Là, en groupe puis individuellement, nous avons rencontré Didier Luca qui nous a expliqué ce qu'il attendait, ce qu'il recherchait. Il nous a confronté dans quelques simulations de bras de fer. Et nous avons eu un entrevue un par un avec lui. A l'issue de cette rencontre, j'ai appris que j'avais été choisi. Aujourd'hui encore, je suis très reconnaissant à Didier Luca d'avoir fait ce choix car il m'a permis de vivre une expérience unique.
F-B.fr : Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez posé la première fois les pieds sur le fort ?
F.M. : J'étais très excité d'avoir ce privilège. J'avais pleinement conscience du caractère exceptionnel de cette tranche de vie qui fut la mienne durant un peu plus de trois mois. De juin à début septembre 1990, chaque fois que j'entrais dans le fort, le même sentiment intense de vivre quelque-chose de singulier m'envahissait. C'était très agréable. Je goutais chaque instant pour ne rien oublier. Je me laissais porter par cette ambiance si particulière qui planait lors des tournages et par ce lieu fantastique qu'est le fort Boyard. L'arrivée sur le fort en elle-même n'est pas simple puisqu'il faut monter sur une nacelle instable et balancée au gré du vent qui nous dépose sur une plate-forme devant le fort. La première fois que j'ai posé les pieds sur le fort, je pense que cette manière cocasse de l'aborder a exacerbé l'émotion que j'ai ressenti.
F.B.fr : Vous apparaissiez donc principalement dans 2 épreuves : le Bras de fer et les Cotons-tiges. Question un peu bête mais laquelle préfériez-vous ?
F.M. : Je dois ici préciser que j'apparaissais non pas dans deux épreuves mais dans quatre. En effet, j'étais également un bagnard dans l'épreuve qui consiste à faire ingurgiter diverses mixtures improbables au candidat avant qu'il n'atteigne la clé convoitée (les Prisonniers NDLR). J'avais également parfois ma tête posée sur une étagère dans une armoire du Musée des horreurs. Et pour répondre précisément à votre question, c'est le Bras de fer que je préférais. Pourtant, il y avait un risque de se blesser dans cette épreuve car le bras de levier qui permettait de faire montrer ou descendre la clé n'était pas très ergonomique, de telle sorte que celui qui était dominé était contraint de faire supporter à son coude une forte tension qui ne respectait pas la bio-mécanique articulaire. Mais rien de grave ne s'est produit.
F-B.fr : Vous rappelez-vous de votre premier "duel" ?
F.M. : Oui je m'en souviens. La difficulté était de tenir jusqu'à ce que la clepsydre soit vide. Le candidat avait toutes ses chances sur cette épreuve d'autant que je devais m'adapter à lui s'il était gaucher alors que je suis droitier. C'était un effort en isométrie, c'est à dire en contraction continue avec peu d'amplitude de mouvement. Il me semble que j'ai gagné 50% des bras de fer des émissions françaises. Un pessimiste dirait que j'ai perdu 50% des confrontations...
F-B.fr : A cette époque le fort était réservé aux anonymes. Y a t-il un candidat qui vous a marqué lors de vos épreuves ?
F.M. : Plusieurs candidats m'ont marqué, l'homme fort de l'équipe belge qui avait obtenu le trésor le plus conséquent lors de cette première série d'émissions s'était montré très fair play. Il m'avait battu avec beaucoup d'élégance. Il était gaucher, je n'étais donc pas avantagé. A l'issue du bras de fer qui avait duré jusqu'à la limite de la fin de la clepsydre, il avait dit avec son fort accent belge à Sophie Davant : "Il est balaise !!!"
F-B.fr : Vous avez campé l'homme fort le temps de la saison 1990. Pourquoi ne pas avoir rempilé les saisons suivantes ?
F.M. : J'ai par la suite obtenu le statut d'intermittent du spectacle, ce qui m'a permis de faire quelques figurations dans des téléfilms. Mais il m'importait surtout de me diriger vers le secteur professionnel dans lequel j'exerce encore aujourd'hui. L'expérience de Fort Boyard a été une magnifique parenthèse de vie et je suis très heureux d'avoir participé à la toute première série d'émissions. C'était magique et personne ne pouvait imaginer à ce moment là que ce jeu télévisé allait battre tous les records de longévité. Et il y a eu plusieurs hommes forts, de nombreux personnages se sont succédé. Même le Père Fouras a été changé !
F-B.fr : Quels souvenirs et anecdotes gardez-vous de votre passage sur le fort ?
F.M. : Des anecdotes, j'en ai beaucoup, mais celle qui a eu lieu lors de la prestation d'une équipe suédoise est particulièrement drôle. Je dois précisé qu'en 1990, le concept de l'émission était déjà vendu à d'autres pays européens. L'Allemagne, la Hollande, la Suède venaient sur le fort et disposaient de l'équipe technique française dans son intégralité, figurants compris. Ils tournaient alors avec leur réalisateur, leurs animateurs vedettes et leurs candidats qui étaient parfois des personnes célèbres dans leur pays. Féru de culturisme, je connaissais à l'époque les plus célèbres bodybuilders. Lorsque j'ai appris que l'homme fort d'une des équipes suédoises se nommait Ulf Bengtsson, je me suis inquiété. J'étais le seul sur le fort à savoir que cet homme faisait partie des 10 meilleurs culturistes du monde durant les années 80. Quand un candidat arrivait sur la poutre dans l'épreuve des cotons tiges, j'étais sensé l'impressionner, et c'est ce qui se passait habituellement. Quand l'énorme Ulf est arrivé en poussant un cri guttural, c'est moi qui me suis mis à trembler sur la poutre. Il m'a foncé dessus et m'a collé sur le mur du fond en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il s'est saisi de la clé et il est reparti en courant. j'étais resté scotché contre le mur, j'avais l'impression qu'un semi-remorque venait de me percuter !
F-B.fr : Tout le monde est d'accord pour dire qu'une excellente ambiance règne sur le fort avec un véritable esprit de famille. 1990 étant sa tout première saison, comment était-elle à l'époque ?
F.M. : L'ambiance que j'ai connu était fantastique. Je ne peux pas comparer avec ce qui a eu lieu par la suite mais je vous assure que l'équipe qui travaillait sur le fort en 1990 n'était pas triste! Tous savaient concilier harmonieusement professionnalisme et bonne humeur. Un journal interne au fort était rédigé et mis en page par des figurants et des assistantes de productions. C'était assez délirant, il contenait des dessins, des caricatures, des textes humoristiques, tout le monde pouvait s'exprimer dans cette publication potache, satirique et absurde. Le thème de chaque tirage était le Fort bien sûr et ce qui s'y passait. J'ai conservé des exemplaires. Il s'intitulait "Fort Bobard" et il était composé d'un florilège de dérision parfois à la limite de la subversion.
Je m'entendais bien avec tout le monde et j'ai particulièrement apprécié Gilles Arthur avec lequel j'ai beaucoup échangé. André Bouchet et Alain Prévost étaient vraiment très sympathiques. Sophie Davant et Patrice Laffont étaient des animateurs agréables et accessibles. J'ai aimé discuter avec eux, ils se montraient disponibles et ouverts. Michel Scourneau qui incarnait le Père Fouras était un acteur très drôle et nous blaguions souvent ensemble dans la salle de maquillage. J'ai eu l'occasion de parler un peu avec Jean-Pierre Mitrecey et ce grand monsieur qu'était Jacques Antoine, le créateur de l'émission Fort Boyard.
F-B.fr : L'émission a fêté cette année ses 25 ans. La regardez-vous encore ?
F.M. : Non je ne la regarde pas. Je n'ai pas le temps. Mais sur internet, il m'arrive de suivre un peu l'actualité du Fort. Pour moi, Patrice Laffont est LE présentateur de Fort Boyard mais j'admets que Olivier Minne est très convaincant. Il était très mince quand il a commencé comme speaker sur Antenne 2. Il s'est étoffé musculairement. C'est peut-être pour cela qu'il est crédible sur le Fort.
F-B.fr : Votre participation au jeu remonte il y a 25 ans maintenant. Qu’êtes vous devenu depuis ?
F.M. : Peu de temps après mon expérience sur le Fort, je me suis dirigé vers le métier d'éducateur. J'ai obtenu le diplôme d'état d'éducateur spécialisé et j'ai exercé ce métier auprès de personnes en situation de handicap mental. Cela fait plus de 20 ans que je travaille dans le secteur médicosocial. Je suis depuis quelques années chef de service de structures d'hébergement. Et je travaille actuellement en tant que cadre intermédiaire dans une association médicosociale de La Rochelle. Tous les jours, je longe la mer pour aller travailler et je perçois au loin sur l'océan l'imposante silhouette de fort Boyard.
F-B.fr : Pour terminer, partant pour un duel contre Mister Boo ?
F.M. : Oui, c'est quand il veut et ou il veut !... Plus sérieusement, je n'aurais aucune chance face à lui. Même lorsque j'étais jeune et au mieux de ma forme, je ne pense pas que j'aurais fait le poids face à lui. Mister Boo est un culturiste de haut niveau comme en témoigne l'hypertrophie de sa musculature extrêmement impressionnante.
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Son nom ne vous dira peut-être rien, tout du moins aux plus jeunes d'entre vous. Néanmoins, Franck Merceron a une place de choix dans l'album de famille de Fort Boyard puisqu'il participa au lancement de l'émission en 1990. Le temps d'une saison, il fut le prédécesseur de Mister Boo en campant l'homme fort tantôt sous les habits d'un docker dans le duel du Bras de fer, cagoulé dans l'épreuve des Cotons-tiges ou encore en bagnard dans celle des Prisonniers.
Avec une grande gentillesse, il revient pour nous sur ses souvenirs dans cette émission TV pas comme les autres et ce qu'il est devenu depuis.